
MANIFESTE "ERGOTHERAPIE, TRANSFORMATION SOCIALE
ET TRANSITION ECOLOGIQUE"
"Les signataires de ce manifeste croient en la nécessité d’une ergothérapie solidaire et engagée et souhaitent soutenir le déploiement des pratiques qui agissent en faveur de la justice sociale, climatique et occupationnelle.
Nous pensons que les injustices, comme par exemple les inégalités sociales et territoriales de santé ou l’inéquité dans l’accès aux occupations humaines, sont aujourd’hui principalement le fruit de systèmes qui structurent la société. Le capitalisme, le patriarcat, le colonialisme, le validisme, le racisme (...) sont des systèmes de domination qui sont à l’origine de rapports inégalitaires entre les individus. L’OMS décrit que ce qui détermine la santé des individus sont principalement des facteurs contextuels structurels, et recommande de “lutter contre les inégalités de répartition des pouvoirs et des ressources” (OMS, 2005). En accord avec les principes de la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé (1986), nous sommes convaincu·e·s que tendre vers davantage d’équité est bénéfique pour la santé des populations, et des écosystèmes dont elles dépendent.
Partant de ces constats, nous assumons donc un positionnement politique et éthique, en faveur d’une transformation sociale et une transition écologique résolument centrées sur le respect du vivant, la solidarité et l’équité. Ce positionnement est nécessaire pour inscrire nos actions en ergothérapie de manière juste, avec la population et en fonction des besoins.
Nous pensons que le système doit être transformé pour que les personnes, les groupes, les communautés et les populations reprennent leur pouvoir d’agir sur leur vie et les décisions qui les concernent. Cette transformation s'inscrit dans une transition systémique où les questions écologiques, sociétales et sociales sont imbriquées et indissociables. Nous pensons qu’il est urgent que les ergothérapeutes s'inscrivent comme acteur·rice·s et facilitateur·rice·s de cette transition, pour laquelle les occupations et la participation sont centrales.
En accord avec la WFOT (2019), nous pensons que le droit à l’occupation est un droit fondamental de l’être humain et ce qui permet la participation de toute personne à la vie de la société. Or, l’initiative et la participation des citoyen·ne·s aux décisions qui les concernent sont le socle d’un processus démocratique, nécessaire à une transformation sociale et une transition écologique justes.
En facilitant le respect des droits occupationnels, l’ergothérapeute favorise la participation sociale. Selon l’approche par la capabilité (Sen, 2010; Nussbaum, 2012), l’accès aux occupations humaines est fortement conditionné par des facteurs contextuels structurels et pas seulement individuels. L’individu est aussi indissociable de son contexte. Or l’intervention de l’ergothérapeute, comme beaucoup de professionnel·le·s de santé, s’appuie encore aujourd’hui sur une approche essentiellement individuelle, plutôt que sur les facteurs contextuels. Nous pensons donc qu’il est nécessaire que l’ergothérapie se développe fortement selon des approches collectives, communautaires, territoriales, intersectorielles et de santé globale.
Les ergothérapeutes peuvent être catalyseurs de changements collectifs, en assumant un rôle de facilitateur·rice de démocratie et d'émancipation. En créant les conditions de la participation des habitant·e·s à l’amélioration du cadre de vie dans lequel leurs activités s’inscrivent, les ergothérapeutes sont aussi des acteur·rice·s des territoires de vie. Il·elle·s ont leur place au sein de réseaux d’acteur·rice·s de différents secteurs, entre lesquels des ponts peuvent être construits à partir des occupations humaines (santé, social, urbanisme, agriculture, éducation, culture….).
Des espaces d’échanges, de rencontres, d’expérimentation et de recherche sont nécessaires aux ergothérapeutes pour développer ces pratiques.
La santé se situe au sein d’un système, et ne peut plus être considérée décemment aujourd’hui uniquement sur le plan individuel et biomédical, tout comme les occupations ne peuvent être aujourd’hui situées que sur le plan de leur réalisation individuelle et détachées du contexte sociétal. L’ergothérapie nécessite alors de se centrer sur des intérêts collectifs. In fine, la visée de l’ergothérapeute ne serait plus alors uniquement la santé de la population ou les occupations humaines, mais également ce que celles-ci permettraient de construire : un monde plus juste.”
Ces réflexions et ces croyances que nous partageons sont à la base de notre conception de l’ergothérapie et des objectifs que nous souhaitons poursuivre.